L'Art au large, Jean-Hubert Martin

Interprétation des œuvres et pensée visuelle

Il est heureux que Flammarion ait rassemblé les textes importants de Jean-Hubert Martin (L'Art au large). Jean-Hubert Martin, comme Jean Clair, Pontus Hulten ou Harald Szeemann, ont affirmé une forme de création qui est la conception d'expositions. Nous savons qu'au XXe siècle des artistes (les constructivistes russes ou les surréalistes) ont su faire des présentations-manifestes, œuvres d'art en elles-mêmes. Avec les "installations", l'occupation de l'espace devient l'œuvre. Jean-Hubert Martin "interprète les œuvres" et les "place" pour en faire un parcours d'abord visuel qui "donne corps aux qualités cognitives du regard". À tous les décideurs voulant faire de l'exposition une "illustration" de leur goût ou de leur thèse électoraliste (imposant des thèmes souvent insipides comme la "paix"), ce livre donne des leçons. Avec modestie, cet homme inconnu du grand public, a su imposer en images et en objets des réflexions fécondes sur les différentes formes d'expressions esthétiques concernant des supports variés et les rapports entre différentes civilisations, dont Les Magiciens de la Terre est restée la plus célèbre entreprise.Dans la grande réévaluation nécessaire comme modèles sociaux de nos créateurs et de nos scientifiques, les plus brillants "commissaires" d'expositions --qui seraient plutôt des "concepteurs", des chefs-d'orchestres-- méritent une place éminente.