« UN AUTRE REGARD SUR LES IMAGES D’ACTUALITÉ »

6 juin 2012

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Partie de campagne

par Julia Seretti

Le nouveau Président de la République François Hollande a demandé au photographe Raymond Depardon de réaliser son portrait officiel. Il est "dévoilé" au public et aux média à l'Elysée en présence du photographe le lundi 4 juin 2012. Cette photographie est destinée à être placée dans les mairies de France.

Le portrait officiel de François Hollande, 24e président de la République
La Documentation française / Magnum photos

QUOI?

Le format du portrait est inhabituel, presque carré, évoquant le polaroid. Le personnage pose en pied face au bâtiment, seul, presque centré. Le palais est un peu flou, en arrière. Le drapeau français et le drapeau européen sont à gauche, flous eux aussi et surexposés, comme deux allusions.

COMMENT?

Le choix de continuer cette tradition a du sens. Cela évoque l'antique "parousie", c'est-à-dire le fait que la représentation de la divinité ou du monarque soit leur présence réelle. Cette parousie permettait de guérir d'ailleurs grâce aux images.

Ici, il s'agit de la présence du nouveau Président. Il est seul, de face, avec son palais dans le dos, évocation du lieu du pouvoir, avec les drapeaux à gauche pour indiquer les emblèmes.

Mais le choix du photographe a aussi du sens. Raymond Depardon est un héritier de la photographie de reportage américaine, allant de Walker Evans à Robert Frank cherchant à montrer tous les aspect du "réel" et utilisant les ressources de la photographie amateur (comme Bernard Plossu d'ailleurs). Le Président qui se veut "normal" a demandé à un photographe du "banal" d'opérer. Depardon explique d'ailleurs que la photo en extérieur a été imposée et qu'il a cherché à la rendre spontanée, en mouvement, avec une séance rapide d'une demi-heure.

NOTRE ANALYSE

Ce portrait officiel de François Hollande par Raymond Depardon est un équilibre subtil entre tradition et innovation. Certes, il s'inspire du polaroid et donc de la photo amateur. Mais c'est un portrait posé avec le Président seul face à son palais. Il se détache devant un palais flou et surexposé, mais seul. Pas centré, un peu décalé sur la gauche, ce n'est pas un chef d'équipe. C'est le chef.

L'innovation tient dans ses bras ballants et ses mains visibles. Cela donne un côté un peu gauche, posé, gêné. Les mains ballantes peuvent aussi signifier l'impuissance. Voilà le risque de cette photo qui refuse d'être une "belle" photo.

Ce qui frappe --bien plus encore que dans la photo précédente de Jacques Chirac-- est la place de la verdure. Elle est un l'acteur majeur du cliché, quand les bâtiments sont devenus décors lointains. Jamais arbres et pelouse n'ont eu autant de présence et de profondeur de champ. Le Président est sorti de l'Elysée et communie avec la nature dans une partie de campagne à Paris. Est-ce pour marquer son amour profond de la campagne (la Corrèze comme Jacques Chirac) ? Est-ce une compensation inconsciente du peu de place récent de l'écologie ? Est-ce pour déjà sortir de l'Elysée vu comme un palais-bunker étouffant ?

Un homme normal ? Président aux champs.

EN + :

http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/06/04/portrait-du-president-hollande-un-clin-d-il-a-la-photo-amateur_1712447_823448.html

http://www.lesinrocks.com/2012/06/04/actualite/le-portrait-officiel-de-francois-hollande-raconte-par-son-auteur-raymond-depardon-11266013/